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Dans le cadre d’une précédente actualité juridique, nous traitions d’un jugement de la Cour d’appel faisant droit à la demande de permission d’appel d’une décision au mérite rendue par l’honorable Francine Lauzé, j.c.q.
Quelques mois plus tard, la Cour d’appel rend sa décision sur ledit appel. C’est l’objet du jugement à l’étude. La Cour réitère d’abord qu’un administrateur qui pose un geste intentionnel dans le but de nuire outrepasse son mandat et commet une faute extracontractuelle qui engage sa responsabilité.
Ainsi, « la question qui se soulève alors est de savoir si la juge a commis une erreur révisable en appliquant cette norme à chacune des trois fautes alléguées et en accordant des dommages-intérêts sur cette base ».
Le Tribunal déclare que la Cour du Québec a erré dans son analyse des deux premières fautes alléguées (accès raisonnable aux renseignements financiers du Syndicat et entrepreneur non licencié pour effectuer des travaux), et ce, considérant qu’« il n’y a manifestement pas de lien causal entre ces actes et les dommages moraux réclamés ».
Par contre, la Cour d’appel détermine qu’il n’y a pas d’erreur manifeste et déterminante de la Cour de première instance quant à l’analyse de la troisième faute (« dénoncé une charge de 30 000 $ pour les frais d’avocats qu’elles ont encourus dans le cadre du litige, empêchant les intimés de vendre leur unité et de voter aux assemblées des copropriétaires »).
En effet, la Juge Lauzé, j.c.q. a, de l’avis de la Cour d’appel, établie de manière satisfaisante le lien entre la faute et le préjudice causé aux demandeurs. Elle détermine que c’est principalement en raison de cette faute que la Cour du Québec a initialement accordé le montant de 7 500 $ à titre de dommages et intérêts.
L’évaluation du quantum, jugé raisonnable dans les circonstances, n’est donc pas révisée. La Cour se penche également sur l’octroi par la Cour du Québec d’une somme de 20 000 $ (à titre de remboursement de frais extrajudiciaires) accordée au motif que la demande reconventionnelle des défenderesses était abusive.
La Cour d’appel détermine que la Juge Lauzé, j.c.q, a commis une erreur manifeste et déterminante à cet égard, car elle n’explique pas en quoi la demande reconventionnelle et abusive et ni pour quelle raison une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, n’aurait pas formulé une telle demande.
Ainsi, seules les conclusions relatives aux frais extrajudiciaires octroyés sont révisées et biffées par la Cour d’appel qui accueille en partie l’appel.
Dans le cadre du présent jugement, Madame Tetiana Kuznetsova, copropriétaire, (« Demanderesse ») recherche l’émission d’une injonction interlocutoire (articles 510 et 511 du Code de procédure civile du Québec — [« C.p.c. »]) afin de faire nommer deux administrateurs additionnels à titre provisoire, ou alternativement, la nomination d’une société de gestion (article 1086.4 du Code civil du Québec — [« C.c.Q. »]).
Parallèlement, le Syndicat de copropriété 538-548 rue de Lanoue (« Syndicat ») formule une demande d’intervention forcée à titre conservatoire afin d’appuyer Monsieur Mathieu Tremblay et Madame Marie-Hélène Gagné (tous deux administrateurs et les copropriétaires de l’unité 546 [« Défendeurs »]).
La demande d’intervention est accordée par la Cour qui déclare sans équivoque que le Syndicat possède l’intérêt nécessaire (a.85 C.p.c.) afin de participer à la présente instance.
Le présent litige découle de l’installation faite par les Défendeurs d’une thermopompe sur une partie commune à usage restreint, soit le balcon adjacent à leur condo et de la gestion de ce dossier par le Syndicat.
La Demanderesse allègue, entre autres, que la thermopompe nuit à la jouissance de son unité, celle-ci étant source de bruit et de vibration. Ceci étant, la question de de la thermopompe est réglée hors cours et ne fait plus partie des questions soumises à la Cour au moment de l’audience.
Reste cependant la demande d’ordonnance mandatoire formulée sous 1086.4 C.c.Q. Afin de trancher, la Cour établit d’abord les trois critères cumulatifs devant être remplis par la Demanderesse afin d’obtenir gain de cause [1].
Quant au premier critère de forte apparence de droit, la Cour précise que c’est le critère de la forte apparence de droit que la Demanderesse obtiendra gain de cause au fond qui doit s’appliquer. Or, au fond, la Demanderesse recherche la destitution des Défendeurs comme administrateurs.
La Cour juge, après avoir fait état du caractère exceptionnel du remède issu de l’article 1086.4 C.c.Q., que la Demanderesse ne dispose par d’une forte apparence de droit, ce qui est fatal au recours. En effet, cette dernière est incapable de faire la preuve d’un dysfonctionnement majeur de la copropriété, ses reproches ne ciblant qu’un seul évènement.
Considérant ce qui précède, la Cour conclut en déclarant que la demande interlocutoire est abusive, celle-ci étant manifestement frivole.
À cela, se rajoute le fait que la déclaration de copropriété régissant les droits entre les parties prévoit un conseil d’administration composé de trois (3) administrateurs et qu’il n’appert pas de la preuve au dossier que les administrateurs proposés ont accepté ladite charge, et ce, contrairement aux enseignements de l’article 338 du C.c.Q.[2].
Considérant ce qui précède, la Cour conclut en déclarant que la demande interlocutoire est abusive, celle-ci étant manifestement frivole.
À titre d’obiter dictum, la Cour soulève le questionnement suivant : est-ce que l’article 1086.4 C.c.Q. permet l’ajout d’un administrateur provisoire aux administrateurs déjà en place ?
En effet, l’article en question emploie le terme « remplacer », « ce qui laisse sous-entendre que le remède prévu à cet article requiert nécessairement la suspension des administrateurs en poste de façon concomitante à la nomination d’un administrateur provisoire ».
La question se pose d’autant plus que le recours prévu en vertu de 1086.4 C.c.Q. se veut similaire à la demande d’ordonnance de séquestre selon 2311 C.c.Q.
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