Le contexte de la pandémie du Covid-19 a chamboulé la relation entre les locateurs et les locataires commerciaux. Plusieurs locataires commerciaux ont dû cesser temporairement leurs opérations et plusieurs se sont retrouvés devant l’impossibilité d’acquitter leur loyer envers les locateurs. Toutefois, les deux paliers de gouvernement, provincial et fédéral, ont mis en œuvre diverses mesures afin d’atténuer les effets de la présente crise. En voici un bref survol :
Au mois d’avril 2020, le gouvernement fédéral, avec l’aide du gouvernement provincial, annonçait une aide financière pour les propriétaires et les locataires commerciaux. En effet, par l’entremise de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL), les deux paliers gouvernementaux se sont engagés à rembourser aux locateurs 50 % des loyers du mois d’avril, mai et juin 2020. En considération de l’aide, le locateur admissible devait assumer une perte de 25 % du loyer[1].
Les locataires admissibles sont ceux qui :
- ne versent pas plus de 50 000 $ de loyer mensuel brut par emplacement (tel que défini dans un contrat de location valide et exécutoire);
- ne génèrent pas plus de 20 M$ en revenus annuels bruts, calculés au niveau des entités consolidées (au niveau de l’entité mère ultime);
- dont les revenus ont diminué d’au moins 70 % par rapport aux revenus d’avant la pandémie de COVID-19[2].
Le ou vers le 25 mai 2020, l’aide financière mentionnée ci-haut soit le programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC), a été mis en ligne et les demandes seront acceptées jusqu’au 31 août 2020.
Le ou vers 8 juin 2020, Québec annonçait qu’il entendait compenser 50 % de la perte des locateurs. Ceux-ci, qui devaient s’engager à absorber une perte de 25 % en s’inscrivant au programme de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC), recevront ainsi une somme équivalant à 12,5 % du coût total du loyer afin de réduire leur perte de moitié. Il s’agit d’un incitatif afin d’encourager les parties à appliquer au programme[3].
Le ou vers le 2 juillet 2020, La SCHL annonçait que les propriétaires commerciaux et locataires de petites entreprises pourraient bientôt obtenir l’aide au loyer dont ils ont besoin pour le mois de juillet. En effet, l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC) s’étendait également pour le mois de juillet 2020.
Il faut savoir que seuls les locataires dont la demande a été approuvée pour la période d’avril, mai et juin sont admissibles à la prolongation jusqu’en juillet.
L’ARTICLE 35.1 DU PROJET DE LOI 61, UN COUP D’ÉPÉE DANS L’EAU
D’autres annonces ont également été faites pour aider les locataires commerciaux, mais dont l’entrée en vigueur a été reportée. En effet, Le ou vers le 26 mai 2020, dans le cadre d’une conférence de presse, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, M. Pierre Fitzgibbon, annonçait la possibilité de suspendre toute résiliation d’un bail commercial pour non-paiement de loyer[4].
Le ou vers le 5 juin 2020, Québec introduisait un amendement auprojet de loi 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclarée le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19 afin d’empêcher la résiliation d’un bail commercial jusqu’au 1er août 2020 ainsi que toute éviction d’un occupant pour défaut de paiement après le 13 mars 2020. Cette mesure empêcherait également les saisies et pourrait être prolongée si le gouvernement en décidait ainsi. Nous vous reproduisons cet article :
«35.1. Un bail portant sur un bien immeuble, autre qu’un bail régi par les articles 1892 à 2000 du Code civil ou visé au troisième alinéa de l’article 1892 de ce code, ne peut être résilié, une saisie des biens contenus sur les lieux loués ne peut être effectuée et un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire portant sur ces biens ne peut être donné au locataire ni inscrit au registre des droits personnels et réels mobiliers pendant la période débutant le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi) et se terminant le 1er août 2020 où à toute autre date déterminée par le gouvernement avant cette date, en raison du défaut de paiement du loyer prévu au bail devenu exigible après le 13 mars 2020.
Le présent article s’applique malgré toute disposition inconciliable, y compris une disposition contenue dans le bail. Il n’a toutefois pas pour effet d’empêcher les parties au bail de s’entendre pour y mettre fin. ».[5]
Le ou vers le 13 juin 2020, les députés de l’opposition ont réitéré leurs objections contre le projet de loi 61. Par conséquent, le projet de loi n’a pu cheminer et lestatu quodemeure.
RÉSILIATION EXTRAJUDICIAIRE D’UN BAIL COMMERCIAL AU TEMPS DU COVID-19
Récemment, deux jugements interlocutoires de la Cour supérieure, soitBirra et Basta Taverne Italienne inc. c. Fiducie Marcon-Campeau[6] et Tubes et Jujugbes centre d’amusement familial inc. c. 8937974 Canada inc.[7], ont ordonné aux locateurs de permettre aux locataires de rouvrir les lieux loués.
En effet, dans les deux dossiers, les locateurs avaient résilié, de manière extrajudiciaire, les baux vu les défauts des locataires d’acquitter les loyers. Or, les défauts de ces derniers étaient dû au contexte de la pandémie.
Le Tribunal a reproché aux locateurs d’avoir refusé de participer au programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC). Le Tribunal, dans les deux cas, a jugé que la résiliation extrajudiciaire doit s’exercer de manière raisonnable et de bonne foi et qu’il était légitime de se poser la question à savoir si les locateurs ont agi de manière raisonnable et bonne foi en refusant de participer au programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC).
CONCLUSION
Définitivement, les locateurs et les locataires auront intérêt à collaborer afin de trouver des situations et seront encouragés à participer au programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial AUCLC. Puisqu’il est dans l’intérêt de tous.
Si vous avez des questions sur l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC) ou sur vos obligations à titre de locateur ou de locataire commercial, il nous fera plaisir de vous assister dans cette démarche.
JIMMY TROEUNG, avocat chez DE GRANDPRÉ JOLICOEUR
[1] https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/finance-and-investing/covid19-cecra-small-business
[2] ibid
[3] http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-61529.html
[4] http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-60769.html
[5] Des amendements au projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19 (PDF, 252 ko)
[6] Birra et Basta Taverne Italienne inc. c. Fiducie Marcon-Campeau, 200-17-031028-202
[7] Tubes et Jujugbes centre d’amusement familial inc. c. 8937974 Canada inc 550-17-011623-202