FORMATION
Me Ludovic Le Draoullec et Me Amandine Bourillon, notaire chez Desjardins Gestion de patrimoine, ont récemment donné une formation sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens.
Visionnez l’enregistrement:
*La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens est maintenant en vigueur depuis le 1er janvier 2023, et ce pour une durée de deux (2) ans.
Dans l’optique de lutter contre l’inflation et de ralentir la spéculation immobilière, le gouvernement fédéral avait annoncé en décembre 2021, parmi les mesures de sa politique du logement, une interdiction temporaire d’achat de propriétés résidentielles au Canada par des non-Canadiens.
Le site du parti libéral affiche ainsi qu’« À titre de mesure provisoire pour stabiliser le marché résidentiel en sortie de pandémie de la COVID-19, nous interdirons pendant deux (2) ans aux investisseurs étrangers d’acheter des propriétés résidentielles non récréatives au Canada, à moins qu’il soit confirmé que l’achat constitue un prélude à un emploi ou une immigration au Canada au cours des deux années qui suivent. Cela nous permettra aussi de collaborer avec les provinces et les municipalités à l’élaboration d’un cadre amélioré de réglementation du rôle des acheteurs étrangers sur le marché résidentiel canadien, de sorte que leurs investissements n’empêchent pas les Canadiens d’avoir accès au logement et d’en profiter ¹.»
Cette annonce vient de se concrétiser le 23 juin 2022 avec l’adoption par le Parlement de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens², laquelle entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Elle vient interdire aux non-canadiens d’acquérir, directement ou indirectement, et ce sur une période de deux ans à compter de son entrée en vigueur, soit jusqu’au 31 Décembre 2024³, des immeubles résidentiels au Canada⁴.
Elle prévoit par ailleurs que le gouvernement va pouvoir, par règlement :
- énoncer certaines exceptions pour certains groupes de personnes et certaines catégories d’immeubles;
- et en préciser les conditions d’application selon les circonstances.
Le règlement pourra également venir exclure de cette interdiction certaines situations⁵.
Qui est concerné par cette interdiction d’acquisition d’immeuble résidentiel?
L’interdiction va venir empêcher la plupart des étrangers et les entreprises non-canadiennes d’investir dans les biens immobiliers résidentiels du pays. La définition de « non-Canadien » vise en effet les personnes physiques et les personnes morales.
Les citoyens canadiens, les résidents permanents, ou toute personne inscrite à titre d’Indien sous le régime de la loi sur les Indiens ne sont pas concernés par cette interdiction. Pour les autres groupes de personnes, certaines exceptions sont énoncées dans la loi, parfois sous des conditions à être précisées par le règlement.
Les exceptions ⁶ seraient les achats de biens immobiliers résidentiels par :
- Les résidents temporaires, selon des conditions à être définies par règlement;
- La personne protégée, y compris les réfugiés, au sens du paragraphe 95 (2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;
- Les non-Canadiens qui agissent avec leur époux ou conjoint de fait, lorsque ce dernier est un citoyen canadien ou un résident permanent ou une personne inscrite à titre d’ Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens;
- Toute autre catégorie de personnes prescrite par le règlement.
Il est également prévu que l’interdiction ne s’applique pas aux états étrangers qui viennent acquérir des immeubles résidentiels à des fins diplomatiques ou consulaires ⁷. En l’absence de précisions à cet effet, elle s’appliquerait en revanche à tous les membres accrédités des missions étrangères. Ce point pourrait toutefois être clarifié par règlement.
Quelles sont les conséquences du non-respect de l’interdiction?
Le non-respect de cette interdiction ne vient pas invalider la transaction ⁸. La loi prévoit cependant que le non-Canadien qui viendrait à acquérir un immeuble résidentiel entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2024, ainsi que toute personne ou toute entité qui viendrait l’assister et le conseiller dans cette démarche, commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de dix mille dollars ⁹.
En cas de culpabilité reconnue envers un non-Canadien, la loi précise que la juridiction supérieure de la province où se trouve l’immeuble résidentiel en cause peut rendre une ordonnance, sur demande du ministre responsable, forçant la vente de l’immeuble résidentiel de la manière et selon les conditions prévues par règlement ¹ ⁰, sans permettre toutefois à ce non-Canadien reconnu coupable de recevoir du produit de cette vente un montant supérieur à la somme qu’il a déboursé pour l’acquisition interdite ¹ ¹.
La loi prévoit également la culpabilité de toute personne qui ordonne, autorise, consent ou participe à la commission de l’infraction par une société ou une entité. Ainsi les dirigeants, les administrateurs, mandataires, cadres et gestionnaires pourraient être poursuivis et reconnus coupables pour les infractions commises au nom de la personne morale ¹ ².
Quels sont les immeubles résidentiels mis sous le joug de cette interdiction?
Sont visés les biens réels ou immeubles d’au plus trois logements, incluant les maisons individuelles, les maisons jumelées ou en rangées, le logement résidentiel en copropriété ainsi que tout autre immeuble ou bien réel à être assujetti à cette interdiction par le règlement.
Les terrains vacants en sont donc exclus, ainsi que tous les immeubles collectifs comprenant quatre locaux d’habitation et plus. Il y aurait également une exception à venir par le biais du règlement pour les propriétés récréatives. Ces exceptions à l’interdiction mériteront très certainement d’être précisées afin d’éviter des contournements.
Les dispositions définitives de l’interdiction et les précisions à apporter par le règlement :
La loi prévoit qu’il sera possible par règlement de préciser ce qui constitue un « achat » ¹ ³ pour son application. On peut déjà s’interroger sur le sort à réserver aux mutations de propriété résultant de contrats préliminaires et d’offres d’achat signées avant le 1er janvier 2023 pour un transfert postérieur à la date d’entrée en vigueur de l’interdiction. Le règlement devrait également énoncer certaines circonstances particulières dans lesquelles cette interdiction pourrait ne pas s’appliquer.
Il est question de définir également la notion de « contrôle » ¹ ⁴ lorsque l’interdiction doit s’appliquer à une société constituée au Canada. La loi a en effet prévu d’étendre l’interdiction à des acquisitions réalisées au moyen de personnes morales interposées, soit des sociétés ou autres personnes ou entités à être visées par règlement. Quelle sera la participation maximale admise dans cette société par un non-Canadien afin d’éviter de contrevenir à cette interdiction? Toutes ces précisions viendront circonscrire l’interdiction.
Les commentaires des Canadiens et de tous les intervenants intéressés pourraient orienter le gouvernement dans l’élaboration de règlements. À titre informatif, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) recueille les avis sur cette interdiction en sondant l’opinion publique par l’invitation à lui émettre des commentaires d’ici le 16 septembre 2022 ¹⁵.
Les acteurs du marché concernés par la mise en œuvre de ces mesures:
Les acteurs sur le marché, que sont les courtiers immobiliers, les avocats mais aussi les notaires, devraient informer le plus tôt possible leurs clients non-Canadiens projetant la concrétisation de telles transactions. Ils n’auront pas pour rôle de faire appliquer cette interdiction mais doivent être conscients des poursuites auxquelles ils s’exposent s’ils venaient à conseiller sciemment toute personne visée par l’interdiction à enfreindre les mesures, contrevenant par là même à leur déontologie.
On peut en effet s’arrêter sur le montant maximal de la pénalité qui, pour certains investisseurs, pourrait constituer des « frais » supplémentaires qu’ils seront prêts à engager plutôt qu’un frein…
Il va falloir rester attentif et scruter les règlements d’application qui devraient sortir cet automne!
Par Me Amandine Bourillon
¹ Interdire les achats immobiliers aux étrangers | Parti libéral du Canada (liberal.ca)
² Loi no 1 d’exécution du budget de 2022 (L.C. 2022, ch. 10), Partie 5, Section 12, articles 234 à 237.
³ Article 237 (2) de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2022
⁴ Article 4 (1) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
⁵ Article 4 (3) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
⁶ Article 4 (2) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
⁷ Article 4 (4) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
⁸ Article 5 de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
⁹ Article 6 (1) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
¹ ⁰ Article 7 (1) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
¹ ¹ Article 7 (2) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
¹ ² Article 6 (2) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
¹ ³ Article 8 (1) b) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
¹ ⁴ Article 8 (1) a) de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens
¹⁵ Faut-il interdire l’achat de propriétés par des investisseurs étrangers? | SCHL (cmhc-schl.gc.ca)