Par Me Christine Lutfy
Avec les plus récents changements législatifs, la copropriété perd en popularité, surtout en ce qui concerne les petits ensembles.
Nombreux sont les appels de copropriétaires qui désirent mettre fin à leur copropriété.
Analyses de faisabilité
Avant d’entreprendre toute démarche visant à mettre fin à la copropriété, il faut en vérifier la faisabilité, tant sur le plan mécanique, règlementaire que juridique.
L’analyse mécanique concerne la situation et l’état des lieux. Est-ce que les bâtiments de la copropriété sont indépendants sur le plan physique, dans le respect du code du bâtiment? Partagent-ils des systèmes telle l’entrée principale pour l’eau et les égouts? L’architecte s’avère généralement l’expert de confiance pour effectuer une telle analyse.
L’analyse règlementaire trouve sa source auprès de la municipalité où est située la copropriété. La mise en place d’une copropriété est souvent une condition municipale à l’origine du projet, et il faudra s’assurer que de mettre fin à la copropriété ne contrevient pas à une règle municipale. Le professionnel le mieux placé pour répondre à cette question est l’urbaniste, quoique des architectes et des arpenteurs-géomètres ont déjà su y répondre.
L’analyse juridique vise, quant à elle, à comprendre pourquoi la copropriété a été instituée à l’origine et voir si d’autres outils juridiques devront être mis en place pour compenser l’absence de copropriété. L’analyse juridique s’avère plus profitable une fois que l’analyse mécanique et municipale ont été réalisées. Elle doit être effectuée par un notaire ou un avocat détenant une certaine expertise en droit de la copropriété.
Dans la mesure où les analyses mécanique, règlementaire et juridique s’avèrent concluantes, la procédure pour mettre fin à la copropriété est prévue aux articles 1108 et 1109 du Code civil du Québec [1], lesquels se lisent comme suit :
« 1108. Il peut être mis fin à la copropriété par décision des trois quarts des copropriétaires représentant 90% des voix de tous les copropriétaires.
La décision de mettre fin à la copropriété doit être consignée dans un écrit que signent le syndicat et les personnes détenant des hypothèques sur tout ou partie de l’immeuble. Cette décision est inscrite au registre foncier, sous les numéros d’immatriculation des parties communes et des parties privatives »
« 1109. Le syndicat est liquidé suivant les règles du livre premier applicables aux personnes morales [2].
À cette fin, le liquidateur est saisi, en plus des biens du syndicat, de l’immeuble et de tous les droits et obligations des copropriétaires dans l’immeuble. »
Étapes requises afin de mettre fin à sa copropriété
Sur le plan pratique, et à des fins pédagogiques, les étapes à franchir pour mettre fin à la copropriété, peuvent être ainsi présentées :
Étant donné que les créanciers hypothécaires doivent ultimement consentir à la fin de la copropriété, il est approprié de transmettre à chacun des créanciers hypothécaires une lettre les informant des opérations envisagées et les avisant qu’ils recevront dans les semaines à venir un avis de fin de copropriété, auquel ils devront consentir par écrit.
Une telle lettre d’intention évitera de placer les copropriétaires en défaut aux termes de leurs hypothèques respectives et accélèrera peut-être le processus visant à mettre fin à la copropriété.
ÉTAPE 2 : Adopter des résolutions autorisant la fin de la copropriété
Malgré que l’unanimité ne soit pas requise pour prendre la décision de mettre fin à la copropriété, il est recommandé de consigner la décision des copropriétaires par résolutions écrites unanimes.
De telles résolutions permettent d’autoriser les opérations et les actes requis pour compléter le processus.
ÉTAPE 3 : Mandater un arpenteur-géomètre
Il est envisageable que des opérations cadastrales visant le morcellement des parties communes soient nécessaires. Le mandater au début du processus évite d’alourdir l’échéancier.
ÉTAPE 4 : Préparer, signer et publier un avis de fin de copropriété, des avis de dissolution du syndicat et des avis de nomination du liquidateur
Il faut produire et publier au Registre foncier du Québec un avis de fin de copropriété, un avis de dissolution du syndicat et un avis de nomination du liquidateur. Tous ces avis sont généralement consignés aux termes d’un même acte. Quoique la forme de l’acte n’est pas imposée par la loi, une auteure [3] soulève que comme la naissance de la copropriété se fait aux termes d’un acte notarié en minute, la forme appropriée serait la même.
L’avis de fin de copropriété doit circuler auprès des créanciers hypothécaires, qui devront y consentir, conformément à ce que prévoit l’article 1108 du Code civil du Québec. Les praticiens avisés prévoient du même coup le sort qui sera réservé aux hypothèques en proposant un report et une réaffectation hypothécaire, de même que le consentement du créancier aux opérations cadastrales projetées.
Il faut également produire et publier auprès du Registraire des entreprises du Québec un avis de dissolution du Syndicat et un avis de nomination du liquidateur, au moyen des formulaires prévus à cet effet.
ÉTAPE 5 : Liquidation du syndicat
Dissoudre une copropriété requiert un processus de liquidation, lequel passe, entre autres, par le paiement des dettes du syndicat (le cas échéant), par le transfert ou l’annulation des contrats octroyés par le syndicat, par la fermeture des comptes ouverts au nom du syndicat et par la redistribution des fonds accumulés dans les comptes aux copropriétaires en proportion entre eux de leurs valeurs relatives.
Il est important de savoir que durant la liquidation de la copropriété, les copropriétaires ne peuvent ni vendre, ni hypothéquer leur fraction sans l’accord du liquidateur. Ce dernier devra donc intervenir à tout acte puisqu’il détient tous les droits des copropriétaires dans l’immeuble (parties privatives et communes).
Dans le cadre du processus de liquidation, le liquidateur devra notamment procéder au partage de l’actif entre les copropriétaires, et tout particulièrement des parties communes. Un tel partage se fait généralement en proportion des droits des copropriétaires, soit en fonction de leur valeur relative.
Le partage est fait par le liquidateur, mais les copropriétaires doivent accepter individuellement de recevoir leur part. C’est alors l’occasion pour eux de mettre fin à l’indivision qui peut résulter d’un tel partage, ainsi que de reporter et réaffecter unilatéralement, c’est-à-dire, sans le concours du créancier hypothécaire qui l’aura préalablement accepté, leurs hypothèques respectives sur les immeubles dont ils sont désormais propriétaires exclusifs.
ÉTAPE 6 : Préparer, signer et publier un avis de clôture
Une fois le processus de liquidation complété, le liquidateur devra signer un avis de clôture pour dépôt au Registre foncier du Québec et un autre pour dépôt auprès du Registraire des entreprises du Québec. C’est normalement l’inscription de l’avis de clôture qui complète le processus visant à mettre fin à la copropriété.
En outre du processus de liquidation, d’autres opérations peuvent s’avérer nécessaires, tel la renonciation, l’annulation, la confirmation ou la mise en place de d’autres actes juridiques, tels des servitudes.
À partir du moment où l’assemblée des copropriétaires se prononce en faveur de la fin de la copropriété, les délais pour compéter le processus varient grandement d’un dossier à l’autre. Le nombre de copropriétaires et les correspondances avec les créanciers hypothécaires sont des facteurs influant les délais, étant entendu que plus il y a de personnes impliquées, plus les délais sont importants.
À la lumière de ce qui précède, vous saisirez que peu de syndicats poursuivent leur projet de mettre fin à la copropriété. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une réelle possibilité pour les syndicats qui estiment passer les analyses de faisabilité et qui sont prêts à poursuivre les étapes requises pour aller de l’avant.
SPEED-CONDO - Mettre fin à sa copropriété, pourquoi et comment ?
→ Quelles sont les raisons qui pourraient pousser un syndicat ou des copropriétaires à vouloir mettre fin à leur copropriété ?
→ Comment et à quel pourcentage une telle décision doit-elle être prise ?
→ Quelles sont les vérifications préalables ainsi que les principales étapes à respecter dans un tel cas ?
→ Quel.le.s professionnel.le.s doivent être impliqué.e.s dans cette décision ?
→ Qu’arrive-t-il une fois le processus terminé ?