Actualités juridiques
Avril 2023
Chaque mois, prenez connaissance de deux décisions de justice en litige afin de rester à l’affût des dernières nouvelles en droit de la copropriété.
Dans cette décision, la Cour d’appel du Québec examine la validité de modifications à une déclaration de copropriété en fonction de la majorité prévue à l’article 1097 C.c.Q. Rappelons que cet article a été modifié depuis le 10 janvier 2020. Il prévoit désormais que les décisions qu’il liste sont prises par l’assemblée par des copropriétaires, représentant les trois quarts des voix des copropriétaires, présents ou représentés à cette assemblée.
Comme particularité additionnelle, la déclaration modifiée avait été initialement publiée en 1989, soit antérieure au 1er janvier 1994, date d’entrée en vigueur du Code civil du Québec. Or, la déclaration comportait une clause prévoyant l’unanimité pour modifier la destination de l’immeuble. Sur ces deux sujets, la Cour fournit plusieurs enseignements fort utiles en pratique.
La décision couvre plusieurs autres aspects (envoi par courriel des communications du syndicat, injonction, etc.). Nous en retenons seulement certains pour les fins des présentes. L’appelant prétendait que la Déclaration modifiée impose un changement à la destination de l’immeuble. Selon ce dernier, la possibilité pour un copropriétaire d’exercer certaines activités professionnelles « n’entrainant pas un flot continu de visiteurs », allait à l’encontre de la destination résidentielle de l’Immeuble.
La Cour supérieure comme la Cour d’appel rejettent cette interprétation et affirment que la destination de l’immeuble est sujette à évoluer. L’arrivée du télétravail justifie une telle mention dans la Déclaration modifiée, et ce, sans modifier le genre voulu pour l’immeuble, sa vocation et/ou son affectation. La Cour ajoute que la destination de l’immeuble touche « l’ensemble des fractions composant la copropriété et non pas, et seulement, les fractions privatives », telle que la modification critiquée. La modification apportée par la Déclaration modifiée constitue donc plutôt une modification de l’acte constitutif de copropriété (1097 C.c.Q.).
Par ailleurs, la Cour d’appel analyse la décision de la Cour supérieure quant au maintien de la disposition 38.2 de la Déclaration modifiée. Cette disposition a pour effet de modifier la règle de l’unanimité des voix prévue dans la déclaration constitutive de 1989 pour la modification de la destination de l’immeuble. La disposition en question a été adoptée par l’assemblée des copropriétaires, en 2018, par un vote de 75 % des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée.
M. Lejay prétend qu’une telle modification est illégale, car en contravention de l’article 53 de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil qui est d’ordre public. Selon ce dernier, l’art. 53 qui énonce à son deuxième alinéa que « la stipulation de la déclaration de copropriété qui pose la règle de l’unanimité pour les décisions visant à changer la destination de l’immeuble est toutefois maintenue, malgré l’article 1101 du nouveau code » empêche l’assemblée de modifier la règle de l’unanimité.
La Cour n’est pas du même avis. Elle affirme que « cette disposition (a.53 loi sur la réforme) ne fait que maintenir la règle de l’unanimité contenue dans les Déclarations de copropriétés établies avant le 1er janvier 1994. Elle n’interdit pas la possibilité de la modifier ultérieurement », et ce, considérant que le vote requis est celui que fixe l’article 1097 C.c.Q. (simple modification à l’acte constitutif de copropriété).
En apparence, ce jugement s’additionne aux nombreux autres du même type rendu par la division des petites créances de la Cour du Québec. Il implique le Syndicat des copropriétaires Zuni (« Syndicat »), les copropriétaires de l’unité 414, M. Legault et Mme Perreault, ainsi que le locataire de l’unité en question, M. Lavallée. Leurs assureurs respectifs sont également appelés à titre de défendeurs.
Un dégât d’eau originaire de la laveuse à linge de l’unité 414 survient le 22 octobre 2019. La Cour établit que c’est le régime légal en place lors de la survenance du sinistre en question qui trouve application, soit la première mouture de l’article 1074.2 C.c.Q. Cet article aurait préséance sur les articles de la déclaration de copropriété. Il est d’ailleurs mentionné que « cet article a été modifié le 17 mars 2020, mais la modification n’a pas d’effet rétroactif aux événements survenus antérieurement ».
Conséquemment, le Tribunal affirme que la faute du copropriétaire et/ou du locataire doit être prouvée afin que leur responsabilité respective soit engagée. Or, la preuve administrée révèle que M. Legault a été avisé par son locataire, lors de l’été 2019, d’un problème d’écoulement provenant d’un des équipements ménagers du logement qu’il loue. Il laisse à M. Lavallée la tâche de constater la cause du problème, ce qui est considéré par la Cour comme une omission d’agir de sa part.
La faute des copropriétaires de l’unité 414 étant établie, ceux-ci (et leur assureur) sont condamnés aux frais encourus par le Syndicat pour la réparation du sinistre, soit la somme de 13 884,74 $ en plus des frais de justice de ce dernier. Le défaut d’agir de copropriétaires qui négligent d’assumer leurs obligations bien que dûment avisés est donc constitutif d’une faute couverte par l’assureur responsabilité des copropriétés, assureur qui est solidairement condamné sans qu’une dépréciation ne soit appliquée. L’avis au copropriétaire d’agir pourrait par exemple prendre la forme d’un règlement d’immeuble imposant de changer ou vérifier telle ou telle composante privative.
Un défaut d’agir par la suite pourrait, advenant que cela soit jugé être la cause du sinistre, constituer la faute permettant d’imputer les coûts au copropriétaire et à son assureur.