Par Me Clément Lucas et Me Pierre-Alexis Bombardier
Chaussures Danny (2010) inc. c. Gestion Yves Tremblay 2013 inc., 2022 QCCS 920
Dans cette affaire, la Cour supérieure interprète une clause contenue dans une déclaration de copropriété (« Déclaration »). Les parties en faisaient une lecture diamétralement opposée. Notons que le litige s’inscrivait dans le contexte d’une copropriété exclusivement commerciale (un centre d’achat). Ce type de copropriété ne donne pas fréquemment lieu à des décisions publiées.
La demanderesse y exploitait depuis 2012 un commerce de vente de chaussures. Elle était la locataire de fractions propriétés de la défenderesse. En 2018, la demanderesse ne renouvelle pas son bail avec la défenderesse et en conclut un autre avec un autre propriétaire du même centre d’achat d’en le but d’y exploiter le même fonds de commerce mais à moindre loyer. En d’autres termes, c’est un changement de local. De son côté, la défenderesse manifeste son intention de relouer l’ancien local à un concurrent potentiel.
C’est ainsi que naît le litige entre les parties chacune prétendant à l’exclusivité et recherchant de part et d’autre des ordonnances et des dommages intérêts. Les deux se fondaient essentiellement sur le même et unique article 67 de la Déclaration. L’article nœud du litige prévoyait que les parties privatives ne pouvaient être vendues, louées ou cédées dans des secteurs « connexes, semblables ou concurrentiels à ceux déjà vendus, cédés ou loués » sans avoir obtenu le consentement du propriétaire du commerce préexistant.
En se basant non seulement sur le libellé de l’article mais également sur l’interprétation qui en avait été donnée dans le passé par les copropriétaires, le Tribunal conclut que la clause n’en est pas une d’exclusivité mais de restriction au droit de disposer des copropriétaires (art. 1063 C.c.Q.).
Sur ces bases, elle rejette tant la demande principale que la demande reconventionnelle. Elle retient notamment que la demanderesse n’est que locataire de sorte qu’elle ne peut se prévaloir d’une clause de la Déclaration d’une copropriété dont elle n’est pas un membre. Quant à la défenderesse et demanderesse reconventionnelle, elle ne pouvait empêcher la poursuite de l’exploitation du fonds de commerce ou obtenir des dommages sur la base d’un simple changement de local. Aucune autorisation n’était requise dans ces circonstances.
Careau c. Dallaire, 2022 QCCS 518
La question posée à la Cour supérieure, dans cette affaire, était celle de la latitude dont dispose une copropriétaire qui effectue des travaux dans sa partie privative. Forme de l’autorisation requise de la part du conseil d’administration (« Conseil ») du Syndicat et obligation de faire affaire avec un entrepreneur licencié étaient au menu des discussions. La demande se présentait de manière pour le moins atypique. Une copropriétaire (madame Careau) recherchait une ordonnance d’injonction contre une ancienne copropriétaire (madame Dallaire) afin d’obtenir la remise en état (avant travaux) d’une unité de copropriété (401) depuis vendue à l’actuelle copropriétaire de cette unité (madame Bilodeau). Les travaux en cause avaient consisté en 2016 à remplacer le revêtement au sol de l’unité. La demande d’injonction s’appuyait sur une clause de la déclaration de copropriété prévoyant qu’avant d’effectuer des modifications ou des réparations à sa partie privative, un copropriétaire devait « au préalable soumettre ses plans aux administrateurs de la copropriété afin d’en obtenir leur approbation ». L’article en question ajoutait ce qui suit : « les administrateurs se devront d’approuver ses plans, à moins que les modifications et réparations proposées ou leur mise en œuvre puissent causer des dommages à une partie exclusive ou aux parties communes ou en affecter la valeur ; ces changements, modifications ou réparations, une fois approuvés par les administrateurs, devront être exécutés, selon les règlements provinciaux et municipaux, et conformément aux règles et conditions qui pourraient être imposées par les administrateurs ».
Pour disposer de la demande, le Tribunal répond à deux questions. La première était de de savoir si la copropriétaire avait obtenu une autorisation en bonne et due forme de la part du Conseil. La preuve était à l’effet qu’elle l’avait obtenue de manière verbale. La demanderesse soutenait qu’un écrit était requis. La déclaration de copropriété était silencieuse à cet égard (sur la forme de l’autorisation). De plus, l’historique des pratiques du Conseil d’administration dans d’autres cas de figure ailleurs dans l’immeuble n’était pas conforme à la position de la demanderesse. Le Tribunal rejette ce premier argument de pure forme. La deuxième question était de savoir si la copropriétaire avait contrevenu aux « règlements provinciaux et municipaux » [et donc par le fait même à la déclaration de copropriété] en effectuant elle-même les travaux. La demanderesse soutenait que les travaux auraient dû être réalisés par un entrepreneur disposant d’une licence délivrée par la Régie du bâtiment du Québec. Le Tribunal conclut qu’« aucune règle émanant d’une autorité municipale ou même provinciale (empêche) un propriétaire d’effectuer lui-même un changement de revêtement de sol dans son unité d’habitation ». Du moins, aucune ne fût mise en preuve. Sur ces bases, le Tribunal rejette la demande au complet.
Au passage, le Tribunal estime que les administrateurs de la copropriété n’avaient pas d’autre choix « que d’approuver les travaux annoncés par madame Dallaire à moins que ceux-ci ne puissent causer des dommages à une partie exclusive ou commune, ou en affecter la valeur ». Le Tribunal déclare que les travaux effectués par la Défenderesse [changement de revêtements de plancher] ne pouvaient pas, raisonnablement, causer des dommages à l’immeuble.