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Novembre 2021

Article mis à jour le: 26 mai 2023

Rosenfeld Fisher c. Baron, 2021 QCCQ 10258

En sa qualité de mandataire d’un syndicat de copropriété, un administrateur, dûment élu, est-il exempt de répondre personnellement de fautes qu’il aurait commises à l’occasion de ses fonctions ? Dans ce jugement, la Cour du Québec rappelle aux administrateurs qu’ils demeurent imputables, pour leurs faits et gestes, à l’égard des autres copropriétaires.

L’honorable Louis Riverin, j.c.q. confirme et applique ainsi, l’interprétation de l’article 317 C.c.Q. établie par la Cour d’appel dans Syndicat de copropriété de Villa du golf c. Leclerc[1]. Lorsque la faute d’un membre du conseil est purement personnelle et qu’elle ne s’inscrit pas dans le cadre de son mandat, ce dernier ne bénéficie d’aucune immunité. Il n’est donc pas nécessaire pour la Cour, dans un tel cas, d’aborder la question du « voile corporatif », car la responsabilité extracontractuelle de l’administrateur est en jeu.

Dans le présent cas, une administratrice (alors présidente) a mené une véritable campagne de dénigrement et d’intimidation à l’égard d’une copropriétaire. Devant le Tribunal, l’administratrice a tenté, sans succès, de minimiser la gravité de ses gestes (qui incluaient des insultes) en alléguant que l’unité de la copropriétaire était en grand désordre et représentait d’importants risques d’incendie pour la copropriété. Non seulement la preuve présentée à cet égard devant la Cour n’était pas suffisante, mais ajoute, le Tribunal, elle n’aurait pas eu pour effet de légitimiser les paroles et les actes de la présidente du Syndicat.

Aucun autre membre du conseil n’avait donné à la présidente le mandat d’agir en persécutrice, d’insulter ou d’intimider la copropriétaire chaque fois que leurs chemins se croisaient dans les parties communes. En agissant de la sorte, que la présidente n’agissait pas dans le cadre de ses fonctions d’administratrice mais uniquement à l’occasion de celles-ci.

C’est un sérieux rappel à l’ordre que la Cour émet à l’égard de l’administratrice, cette dernière étant condamnée au paiement de la somme $35,012.85 avec intérêts légaux et indemnités additionnelles. La Cour est d’avis qu’un montant de 10 000 $ en dommages moraux est raisonnable dans les circonstances particulières de la présente affaire. De plus, la conduite de la présidente et son mépris pour sa voisine et pour les règles fondamentales de vie en copropriété justifient, selon le Tribunal, l’octroi de dommages-intérêts punitifs. Après avoir analysé des cas similaires, le Tribunal les fixe à 8 000 $. La balance de 17 012,85$ représente le remboursement des frais légaux encourus par la copropriétaire pour faire valoir ses droits.

 

Desruisseaux c. Syndicat de copriété (sic) des Luges, 2021 QCCQ 10489

Manny c. Syndicat de copriété (sic) des Luges, 2021 QCCQ 10490

Le 21 octobre 2021, l’honorable Georges Massol, j.c.q., par l’entremise de deux jugements rendus la même journée à la lumière (pour l’essentiel) de la même preuve vient établir qu’« il ne faut pas voir dans la modification subséquente apportée par le législateur à l’article 1074.2 une reconnaissance de l’interprétation restrictive développée à l’ancienne mouture du même article. L’article 1074.2 a été modifié pour écarter un courant jurisprudentiel et pour spécifier les règles applicables. » Ainsi, le juge Massol écarte l’interprétation doctrinale à l’effet que pour les sinistres survenus entre le 13 décembre 2018 [entrée en vigueur de la première mouture de 1074.2 C.c.Q.] et le 17 mars 2020 [entrée en vigueur de la version amendée] « le syndicat ne pourra réclamer à un copropriétaire le remboursement de la franchise payée par suite d’un sinistre ou du coût des travaux réalisés (jusqu’à concurrence de la franchise qu’il aurait payée s’il s’était prévalu de son assurance) que s’il est en mesure de démontrer une faute dudit copropriétaire ».

Les deux affaires ont pour origine des dommages importants aux toits respectifs des deux demandeurs et au balcon de l’un de ceux-ci, et ce, à la suite de conditions météorologiques exécrables survenues au mois de mars 2019. Les deux demandeurs, copropriétaires, réclament à leur syndicat compensation pour les dommages occasionnés à leurs parties privatives.

Le Tribunal déclare que le syndicat est responsable de payer le coût des réparations des parties endommagées[2], sauf pour les dommages qui ont été occasionnés par la faute du copropriétaire. En l’espèce, seul l’un des deux copropriétaires est jugé responsable pour les frais de réparation de son balcon, car il « n’a pas réussi à démontrer son absence de faute dans l’entretien de cette partie de l’immeuble, tant en vertu de la clause contenue à la déclaration de copropriété que des obligations qui lui échoient, conformément à l’article 1465 C.c.Q. ».

Malheureusement, cette décision ne vient pas clarifier grand-chose quant à l’interprétation à donner à l’article 1074.2 au fil du temps, tout en opérant un cumul apparent entre la responsabilité contractuelle (i.e. la clause de responsabilité contenue à la déclaration de copropriété) et la responsabilité extracontractuelle de l’article 1465 C.c.Q[3].

En effet, le 17 juin 2021, l’honorable Céline Gervais, j.c.q. traitant de l’article 1074.2 C.c.Q. et de ses différentes versions indiquait à l’inverse : « c’est le Syndicat qui a le fardeau de prouver la faute du copropriétaire »[4]. Elle citait plusieurs décisions rendues au même effet ces derniers mois.

Avec égards, aucune de ces différentes décisions ne semblent traiter du caractère de « loi remédiatrice » de la loi[5]. À ce sujet, la Cour d’appel[6] indique : « il faut souligner l’intérêt social à reconnaître l’application immédiate de la loi nouvelle lorsqu’elle a pour fonction d’améliorer la situation des personnes, de valider des actes ou d’apporter un remède. Loin d’apporter le chaos, ces lois stabilisent plutôt les situations juridiques ». Or, lors des débats parlementaires, ayant conduit à l’actuelle rédaction de l’article 1074.2 C.c.Q., il est intéressant de noter le commentaire suivant, figurant au journal des débats[7] : « Et il y a une nouvelle mesure, donc, qui n’était pas les budgets, donc qui a été rajoutée par le gouvernement, mais avec laquelle nous sommes entièrement d’accord —donc, c’est certain, on en discutera un peu en commission parlementaire, mais, je pense, c’était important de le faire —donc, des dispositions dans le Code civil concernant l’assurance de copropriété. Ce sont des mesures qui avaient été mises en œuvre dans le projet de loi… dans la loi n°141, la dernière législature, et là maintenant… où certains groupes nous ont mentionné qu’il y avait certaines difficultés d’application de cette loi-là concernant les assurances. Alors, le ministre des Finances vient ici préciser ces règles d’application, et c’est tout à fait bienvenu, et cela, nous sommes d’accord avec ça, avec cette partie-là. » (Nos soulignés)

 

[1] Syndicat de copropriété de Villa du golf c. Leclerc, 2015 QCCA 366

[2] L’application de l’article 1077 C.c.Q. aurait, possiblement, pu permettre d’aboutir aux mêmes résultats.

[3] Voir à ce sujet notre chronique : Clément LUCAS, Chronique – Règlement des sinistres en copropriété divise : obligation de déclarer, obligation de « voir » aux travaux, réparation intégrale, dépréciation et autres notions applicables, Repères, Septembre, 2021 EYB2021REP3347.

[4] Syndicat de l’association des copropriétaires des Jardins de l’Anse c. Lejeune, 2021 QCCQ 7551 (CanLII).

[5] Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions des discours sur le budget du 17 mars 2016, du 28 mars 2017, du 27 mars 2018 et du 21 mars 2019, LQ 2020, c 5.

[6] A. (P.) c. G. (C.), 2002 CanLII 63784 (QC CA); également : Charland c. Lessard, 2015 QCCA 14 (CanLII).

[7] http://assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/42-1/journal-debats/20191107/256985.html, voir les interventions après 11 h 30.

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